C’est avec beaucoup de soulagement et d’intérêt que l’opinion publique suit depuis plusieurs mois maintenant le bras de fer entre les entreprises de téléphonies mobile et l’ARCEP. L’Autorité de Régulation des Communication Electroniques et des Postes dirigée par Michel Yaovi Galley semble prendre désormais le taureau par les cornes depuis la prise de fonction de ce dernier en Octobre 2020.
Téléphonie mobile, « Allôooo » : on monte le son !
Déjà en Novembre dernier, l’ARCEP haussait le ton devant ce qu’elle qualifiait de pratiques affectant la libre concurrence de la part du groupe Togocom d’un côté et d’Atlantique Télécom de l’autre. Selon le communiqué produit à l’époque, ces deux sociétés étaient dénoncées pour des « pratiques de différenciation des tarifs des communications on-net (intra-réseau) et off-net (inter-réseau) ». Ainsi, les appels entre deux numéros étaient plus chers lorsqu’ils étaient pratiqués entre un numéro de Togocom et un autre de Moov. Inversement, les appels étaient moins chers lorsqu’ils intervenaient entre deux numéros appartenant à un même opérateur. Une telle situation avait pour effet de décourager les appels vers les numéros concurrents. Même si les deux entreprises avaient essayé de dribler l’organe de régulation en augmentant les tarifs intra-réseaux au moment de l’action corrective, elles ont immédiatement été rappelées à l’ordre et se sont très vite mis au pas !
Quelques jours après cet épisode, c’est la saison 2 de la campagne pour de meilleurs services numériques qui a été lancée avec au centre, le groupe Togocom. Un communiqué de l’instance en date du 23 Novembre rendait publique l’ouverture d’une procédure de sanction à son encontre pour entre autres, « désagréments et dysfonctionnements graves sur les services T-Money, et défaut d’information à l’endroit des consommateurs… ». Suivra une mise en demeure notifiée à l’opérateur le 8 Décembre afin que celui-ci résolve totalement et définitivement tous les dysfonctionnements que connait la fourniture des services T-Money et ce, dans un délai de huit (08) jours.
Au terme de cette procédure de sanction, TOGOCOM écopera d’une amende d’un milliard neuf millions cinq cent soixante-quatre mille trois cent vingt-cinq (1 009 564 325) francs. Par ailleurs, l’opérateur s’expose à une astreinte de cinquante millions (50 000 000) de francs par jour de retard (Décision n°2021-001/ARCEP/CD du Comité de Direction de l’ARCEP).
Il faut dire que cette nouvelle posture de l’ARCEP séduit la plupart des utilisateurs qui se sentent désormais protégés. En effet, l’absence d’associations de consommateurs pouvant porter les attentes des consommateurs semblait conforter ces deux entreprises dans les dérives qui leurs sont reprochées. Les utilisateurs qui pendant longtemps se sentaient livrés à leurs tristes sorts semblent se retrouver dans les actions de l’ARCEP. Tant mieux si c’est une structure étatique qui peut apporter le changement !
Banques, « Chuuut » : l’argent ne fait pas de bruit !
S’ils sont on ne peut plus consolés en voyant la surveillance dont font désormais objet TOGOCOM et MOOV, les togolais espèrent également similaire révolution dans le secteur bancaire.
On se souvient de l’enquête publiée par le cabinet KAPI Consult et relayé dans le précédent numéro (009) de notre magazine. Celle-ci révélait sans exagération qu’à peine 1% des togolais était satisfait des prestations des établissements bancaires. C’est dire que 99% des 2 000 000 de togolais bancarisés sont insatisfaites des services qui leurs sont fournis. En tête de liste des reproches faits aux banques : les comportements d’accueil, les difficultés d’accès au crédit et le manque d’innovation. L’importance des taux d’intérêts et la lourdeur des démarches surtout à l’endroit des entrepreneurs ou porteurs de projets sont loin de favoriser le dynamisme du secteur privé. A cela s’ajoute un manque de communication sur les prestations. Alexis, un employé dans une clinique à Lomé ne comprend par exemple pas pourquoi sa banque a fixé l’échéance de prélèvement des mensualités de son prêt sur le 20 de chaque mois ‘’alors qu’ils savent qu’au Togo, on paye généralement autour du 25. Ils préfèrent fixer ça sur le 20 afin de prélever des indemnités de retard.’’
Autant de motifs d’insatisfaction. Pourtant, aucun organe, aucune institution, agence ou autorité de régulation ne semble avoir dans son cahier de charges la prise en compte de ces préoccupations.
Ailleurs, en France en l’occurrence, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) exerce un rôle pertinent dans le domaine bancaire. Elle est notamment chargée de « la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ». Ainsi, tout client qui s’estime lésé ou dispose d’un quelconque motif de réclamation peut sous certaines conditions porter l’information au niveau de cet organe pour action. L’ACPR édicte par ailleurs, des publications, rapports, recueils de bonnes pratiques à l’endroit des entreprises à caractère financier.
Même s’il est généralement admis que les taux d’intérêts, l’accès au crédit et les autres griefs retenus contre les banques ne pourront pas disparaître d’un coup de baguette magique, une forte majorité des togolais veulent aujourd’hui la fin du silence, la fin de la tolérance ou peut être la fin de la complicité dont bénéficient les banques et établissements financiers dans l’exercice de leurs fonctions surtout en ce qui concerne les services rendus à la clientèle. On dira que l’Association Professionnelle des Banques et Établissements financiers du Togo qui est souvent interpellée formellement ou non à l’occasion des débats au sein de l’opinion l’est à tord car sa principale vocation est de défendre les intérêts de ses membres. Cependant, faudrait-il le rappeler, il est dans l’intérêt de tout établissement commercial de satisfaire autant que possible sa clientèle.
C’est dire aussi que le contrôle exercé par des organes comme la Commission bancaire de l’UMOA ne tiennent pas nécessairement compte des principaux problèmes quotidiens des utilisateurs des services bancaires cités plus haut. S’il est vrai que l’argent ne fait pas de bruit, l’insatisfaction des clients des services bancaire est assourdissante. Les autorités sont invitées à la même diligence que celle qui a été adoptée dans le secteur de la téléphonie mobile. Ceci, au risque de donner raison à ceux qui sur ce sujet parlent plutôt d’un ‘’acharnement’’ contre Togocom qui aurait des motifs cachés.
Les consommateurs appellent donc de tous leurs vœux, l’émergence d’un organe dédié qui aura notamment pour mission, de contrôler les établissements financiers et de protéger leurs clients, bien sûr dans la limite des normes nationales et internationales.
Il faut sonner aujourd’hui, la fin du silence pour éviter le bruit de demain.
Cet article a aussi paru dans la version physique de votre magazine.
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