Chef du village artistique dénommé « Tayé Tayé », Dodji Agbétoglo Steven s’est confié dans une interview exclusive à « Camarade Salut ». Occasion pour le sculpteur, né le 23 février 1989 à Kpalimé (préfecture de Kloto) de partager avec les lecteurs son parcours d’entrepreneur. Steven a actuellement à son actif plus de 700 œuvres sculptés à la main. Le génie du bois s’est également adressé à ses camarades jeunes particulièrement ceux qui nourrissent l’ambition d’emprunter la méditerranée.
Camarade Salut : Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir le métier de la sculpture ?
Steven : Tout a commencé quand j’étais en classe de 3 ème . Je dessinais des cartes et on m’appelait cartographe. Je faisais également de petits dessins pour des manifestations culturelles, donc les enseignants me confiaient la gestion artistique des semaines culturelles. Du coup, après mon BEPC, je me suis inscris en classe de seconde au Lycée de Tokoin, mais j’ai abandonné pour aller apprendre un métier afin de pouvoir développer l’esprit créatif et artistique qui est en moi et c’est là que je me suis rendu au « Village Artisanale » pour me perfectionner.
Comment s’est passé votre apprentissage ?
J’ai pris trois(3) ans et trois mois pour améliorer mes performances dans le
domaine. J’ai débuté ma formation en 2009 et j’ai terminé en 2012. Au début j’ai voulu faire la peinture mais une fois au Village Artisanale, je me suis rendu compte que la sculpture est un peu plus difficile que la peinture, donc j’ai décidé de me mettre au service du bois.
J’aime le tailler, le façonner le polir pour ressortir quelque chose de merveilleux. La sculpture, c’est dans mon sang.
Quels sont vos modèles dans le domaine de la sculpture ?
Personne. Je n’ai pas de modèle. Chaque jour que Dieu fait, j’aime faire ressortir ce qui en moi. Quand j’étais élève, je voyais des objets d’art mais je n’ai jamais connu un sculpteur, que je pouvais suivre dans sa manière de travailler.
Comment se passe le travail dans votre « village artisanal » ?
Au « Village d’art Tayé Tayé », nous sommes spécialisés dans la représentation des objets sur du bois. Avec mes trois (3) apprentis et six (6) ouvriers, nous réalisons ensemble des trophées, des dessins d’animaux (surtout sauvages), de la nature, des masques ainsi que des
statuts.
Nous travaillons avec des outils artisanaux fabriqués par des forgerons. Nous leurs donnons des indications selon nos besoins, notamment des ciseaux, des étaux, des maillets ainsi que la scie à bois. C’est grâce à ces outils que nous taillons le bois pour en ressortir la forme.
Arrivez-vous à vivre de votre métier ?
Je vis très bien de sculpture. Je gagne en moyenne trois cent mille (300.000) FCFA par mois. Je vis dans ma propre maison et je n’ai pas à envier personne.
Qui sont vos clients?
C’est tout le monde (les amoureux de l’art) mais les étrangers en majorité, c’est-à-dire les blancs de toutes nationalités confondu. Nous travaillons plus sur commande et participons parfois à des expositions artistiques.
A combien peut coûter une œuvre d’art ?
L’art n’a pas de prix. Une œuvre artistique peut être vendue à n’importe quel prix même à 5 francs. Souvent je fixe mes prix en fonction de la façon dont je me suis appliqué. Dans l’art, on ne se base pas sur l’achat du bois ou des matières premières pour fixer des prix comme les autres marchandises (tomates, vêtements ou encoure des chaussures). On travaille avec
l’inspiration et on fixe les prix sous en fonction de l’inspiration.
D’où vous vient l’inspiration ?
Certains clients viennent avec leurs modèles à reproduire. La plus part du temps, c’est le bois qui m’inspire, quand je vois un morceau de bois, la forme qu’il donne, j’essaye de faire les traits la dessus pour pouvoir obtenir quelque chose. Les proverbes africains sont aussi une importante source d’inspiration.
Dans mes sculptures, je véhicule des messages relatifs surtout à l’amour, la pauvreté, la trahison, envoûtement, l’espoir, la paix, et à l’immigration.
Parlant justement de l’immigration, il vous arrive de penser à quitter votre pays ?
Je dis tout le temps que c’est dans son propre pays qu’on doit rester pour se tracer le chemin à suivre. La majorité des jeunes, aujourd’hui pensent qu’ils doivent voyager avant de trouver du bonheur en oubliant qu’ils doivent participer à la construction du pays pour le bien de tous.
J’aimerais dire aux jeunes que nul ne peut réellement se sentir heureux que chez soi. Leur bonheur se trouve ici au Togo, il suffit qu’ils aient une bonne volonté de travailler. Les jeunes ne veulent pas travailler, ils veulent la vie facile et lisse. Moi je suis sale tout le temps, je n’ai aucun temps pour bien m’habiller et sortir. Je suis présentement à la recherche de nouveaux apprentis mais quand ils viennent, ils fuient après moins d’un mois de travail. Ils n’arrivent pas à résister. Que les jeunes restent chez eux. C’est à force de ne trouver rien à faire chez soi, qu’ils disent qu’il n’y a pas de
l’avenir au Togo mais moi je leurs dit qu’il y a du bonheur et de l’avenir au Togo.
Propos recueillis par Christelle Agnindom